Depuis 2017, l’association Juxtapoz propose des animations culturelles et festives dans le quartier de la Belle de Mai. Installés au Couvent Levat, les artistes ont cette année travaillé sur l’élaboration d’un vin éponyme inédit qui a su trouver ses adeptes. Mais face à la menace de leur départ, l’expérience pourra-t-elle être réitérée ?
L’histoire commence en 2020, à la rencontre de Karine et David. Elle est la chef de file du couvent Levat, à la Belle-de-Mai, qui abrite aujourd’hui Juxtapoz, un collectif d’artistes contemporains et une palanquée d’expériences sensorielles. Lui a la double casquette d’être collaborateur pour un caviste marseillais et distributeur en vin pour les professionnels, sous l’étendard des « Avinturiers ».
L’atelier de dégustation qu’animait David retient l’attention. Les deux esprits imaginent alors une cuvée inédite, originale, spécifique à Marseille, celle du couvent. « On voulait des vins rouge, rosé et blanc, nous raconte le caviste. J’ai visité l’espace, j’y ai vu la dynamique et ce qui s’en dégageait. Mais pour que les vins que l’on voulait créer correspondent à l’esprit du lieu, il fallait que ses habitants mettent la main à la pâte. »

Ou plutôt le nez au verre. Après avoir sélectionné des cuvées de différents domaines choisis par David, les résidents se sont réunis pour assembler les breuvages. « Ça n’a pas été facile parce qu’ils sont nombreux et que chacun a ses petites préférences ! Je leur ai fait déguster des bouteilles de deux vignerons : de La Barbinière pour le blanc, qui est basé dans le pays de la Loire. On voulait un vin avec un côté minéral marqué, et avec beaucoup de fraîcheur pour compenser la chaleur. Pour les rouge et rosé, j’ai fait appel au domaine Saint-Bacchi, à Jouques. »

Bacchus mis en traits
Trois vins éponymes du lieu, une conception par ses résidents… Pour boucler la boucle, il ne manquait plus que la touche finale qui allait conférer à ces bouteilles leur exclusivité et leur authenticité : l’étiquette. Elle qui fut bien entendu réalisée par l’un des artistes du couvent Levat, Duptopie. Couleurs douces, cadre enchanteur, un univers à part entière qui définit à sa manière celui de la Belle-de-Mai.

Et le produit fini a aussi rapidement trouvé ses lieux d’ancrage. Les consommateurs pouvaient le retrouver tout l’été dans 6 enseignes marseillaises : le Longchamp Palace, Opéra Zoizo, Grand Bar Pierre, Voilà Vé, La Ciergerie et la Souris Verte.
Carton plein pour chaque bouteille proposée. En fin de saison, tout le stock était écoulé, comme nous en informait de son côté Victor Million-Rousseau, à la tête du Voilà Vé, au Camas. Et l’une des grandes découvertes de ses clients, c’est bien le rouge du Couvent. Gouleillant, à caractère fruité, très peu tonique, à 12,5°. « Les gens n’ont pas l’habitude de boire du rouge en été, commence Victor. Cette cuvée est en plus servie fraîche puisqu’elle se conserve au frigo, chose qui a particulièrement étonné. Finalement, en dégustant, en testant, les gens ont compris que ce vin était intéressant et qu’il se démarquait. »

La fin du bal ?
Plus de bons breuvages à l’approche de l’automne, donc. Et après ? Seul l’avenir le dira, semble-t-il. Car, pour rappel, en 2017, l’association Juxtapoz s’installait dans cet ancien monument après avoir signé un bail d’occupation temporaire proposé par la Ville de Marseille, propriétaire. Objectif : faire vivre le lieu en l’entretenant et en développant des initiatives culturelles à vocation sociale dans le quartier. Pari réussi pour le groupe qui a apporté un second souffle à ce lieu historique et inédite en coeur de ville.
Depuis le début de l’année, le bail arrivant à échéance, l’association Juxtapoz a transmis aux élus marseillais sa décision de quitter les lieux, faute de moyens pour l’entretenir correctement tout en continuant ses activités. Un appel à l’aide, en quelque sorte, puisque la volonté reste celle de perpétuer le travail si finement rodé depuis leur arrivée.
En cette fin d’été, la Mairie reste encore vague sur le sujet. Si elle fait entendre sa volonté de garder l’espace comme lieu de vie tourné vers les habitants, la question reste celle de savoir comment, et surtout avec qui ? Une situation encore incertaine donc, qui pourrait faire de cette première cuvée à succès la dernière élaborée par les artistes du couvent.