En 2020, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes lançait le #PréserveTaMontagne dans l’objectif de fédérer les acteurs alpins et imaginer un tourisme plus durable. Début de saison 2021-2022, qu’en est-il de l’implication des professionnels en stations ? On fait le point dans les Alpes du Sud.
Elles couvrent 30% du territoire métropolitain. Les zones montagneuses, qui voient affluer les touristes en hiver et – de plus en plus depuis le début de la crise sanitaire – en été, s’étendent sur quelque 167 000 km2. Une belle aire de jeux et d’aventures pour les férus de massifs et d’air pur qui se voit malgré tout menacée par certains comportements négligents et le réchauffement climatique.
Le constat est même alarmant, à en juger par les projections : en 2019, une étude réalisée par l’Inrae, Météo France et le CNRS mettait en exergue l’enjeu majeur des stations quant à l’aménagement de leurs domaines skiables. En 2050 est estimé un taux de couverture en neige de culture de 45%.
Face à ces signaux d’alerte, les professionnels locaux et institutions se sont mises en ordre de marche. En 2020, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes se joignait à l’élan collectif en créant l’initiative Préserve Ta Montagne, des contenus médiatiques exclusivement centrés sur l’impact du réchauffement climatique en zones de montagne. Un appel à idées sous forme de concours était déployé pour permettre à tous les citoyens de proposer des solutions face à l’urgence climatique. La 2e édition achevée cette semaine laisse certainement place à des prises de conscience mais surtout à de nombreuses interrogations. Alors, dans les faits, qu’en est-il ?

Tour d’horizon des programmes énergétiques en stations
Comme chaque année, les offices de tourisme des Alpes dévoilent les présentations de leurs activités pour la saison hivernale. L’occasion aussi de rappeler les dispositifs en place dans une visée de démarche durable. Pour Orcières Merlette, il est question de mettre en avant la réduction de perte d’énergie des bâtiments, un réseau de neige de culture respectueux et son label « Qualité Confort Hébergement » attestant de la gestion des « lits froids ».
Le Dévoluy mise de son côté sur l’énergie solaire, grâce à laquelle Superdévoluy peut aujourd’hui alimenter un tapis roulant sur 118 m couverts de panneaux photovoltaïques. Ce système devrait bientôt équiper le toit du garage à dameuse ainsi que le tapis couvert de la Joue du Loup.
Sur le domaine de Serre-Chevalier, l’objectif est affirmé : réduire l’empreinte énergétique de 50% d’ici 2030, suivant le programme énergies renouvelables déterminé en 2016. Et tous les moyens semblent bons : « Nous travaillons sur deux axes, nous indique Fred Arnould, chargé de projet sur le domaine : la production des énergies renouvelables et l’économie d’énergie. On va utiliser les infrastructures existantes et y intégrer divers procédés, comme le photovoltaïque sur les toitures, les gares de télésiège… On travaille aussi sur l’isolation des cabanes, sur la gestion du chauffage dans les bâtiments et tous les locaux tertiaires d’exploitation. On utilise d’autre part les moyens hydroélectriques pour une mise en production au printemps 2022 et le petit éolien toujours en phase de test au col du Prorel.«

Stations engagées, tourisme durable ?
Les actions une fois lancées, reste à évaluer si tous ces efforts auront un impact aussi positif qu’escompté. C’est sur ce point qu’appuie ses propos François Veauleger, PDG de l’agence Alps spécialisé en marketing territorial et innovation touristique et auteur :
« Se demander si le domaine skiable est polluant est une mauvaise question. Il s’agit de savoir comment polluent les touristes et les locaux et comment gérer cet apport de pollution sur un site touristique. Il a deux manières de voir le projet #PréserveTaMontagne : c’est un média qui a une force de frappe, c’est une idée qui va dans le bon sens. Le bémol est qu’il met en valeur des initiatives citoyennes sans les mettre en ordre de marche. On fait un peu un concours à projets alors que ce qui compte réellement est de rentrer en profondeur dans le changement environnemental. Et cela ne peut se réaliser qu’au travers des gouvernances territoriales.«

C’est d’ailleurs ce que cherchent à générer les différentes instances des Alpes à travers les communautés de communes. Celles-ci ont « pour objet d’associer des communes au sein d’un espace de solidarité en vue de l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de l’espace« , selon la définition proposée par le gouvernement.
Nous retrouvons ce cas de figure dans le Guillestrois-Queyras, dont la fusion des deux territoires s’est effectuée en 2017. A travers « une plus grande concertation » et « un travail collaboratif » entre les maires et le bureau communautaire, Dominique Moulin, président de la CCGQ entend « œuvrer, en concertation avec les élus communautaires, pour le développement et le maintien des services à la population (…) ; l’aménagement du territoire et la mobilité en tenant compte des enjeux écologiques auxquels nous devons faire face. »

De futurs projets énergétiques à l’honneur
Divers procédés permettent aujourd’hui d’évaluer l’approche dite « durable » des stations, à commencer par le label Flocon Vert, créé par l’association Moutain Riders dans son Éco guide des stations de montagne. 4 catégories y sont répertoriées à travers les 21 critères attendus pour obtenir le label : gouvernance et destination, économie locale, social et culturel et enfin ressources naturelles et écologie.
« Bien que les acteurs du tourisme et les institutions prennent la chose en considération, tant que l’on aura un objectif économique, on se plantera dans l’aspect environnemental, considère François Veauleger. Il y a tout une chaîne à prendre en compte : prenons les emplois de saison, il faut trouver un modèle vertueux en arrêtant la précarité afin de les insérer dans un tissu socio-économique plus ancré au sein du territoire. Cela engendrerait la durabilité, avec la multiplication des foyers familiaux en zones de montagne. Il faut « re » répartir sur l’ensemble des territoires des foyers fiscaux pour pouvoir investir dans les politiques environnementales. D’autre part, ce n’est pas parce qu’on a un logo vert qu’on fait de l’environnement. Il est urgent de se dire aujourd’hui que l’on court après le temps. Si l’on veut vraiment arriver à une neutralité qui permettra à l’humanité de vivre sur Terre, il faudra faire beaucoup plus que ce qu’on fait aujourd’hui, on gagnera en mieux vivre.«
Et de nombreux projets sont d’ores et déjà lancés, à commencer par ceux qui seront présentés lors du MET21, concours mettant à l’honneur des idées novatrices sur les thématiques de l’urbanisme, immobilier, mobilités ou encore sport. Les dix finalistes se retrouveront ce samedi 11 décembre à Courchevel pour présenter leurs innovations, à l’instar de ADN Skis et ses skis entièrement recyclables, ou Moonbikes, alternative éco-responsable aux motoneiges thermiques sans bruit, sans odeur et sans fumée. Autant d’initiatives bienvenues dans une société en quête de changements concrets.